Nathalie Harvey – ou la vie en rose

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DSC00442 « Obrose » est écrit en lettres blanches sur la devanture noire du 11, rue Saint Bernard à Paris. Ca fait strict, le blanc sur le noir, mais mystérieux aussi, classique, tranchant, intemporel. Intriguant aussi, « Obrose », qu’est-ce que ça veut dire?
Je réfléchis encore en poussant la porte – et là, je rentre dans un univers tout autre. Mélange de couleurs, vives, presque vivantes. Une petite musique de fond, au sol d’innombrables assiettes en plastique avec des mélanges de couleurs acryliques, des pinceaux, et partout flotte cette l’odeur de térébenthine. Presque comme un parfum.
J’inhale, j’aime cette odeur, et elle va parfaitement à cet endroit. Je suis dans l’atelier et la galerie de Nathalie Harvey.

 


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DSC00499L’artiste m’accueille avec un grand sourire, et me propose un petit verre avant de faire le tour de l’atelier. Elle est en train de travailler une nouvelle toile et fait des essais en dessin sur la posture de la main.

« Les mains m’intéressent depuis toujours. C’est une partie du corps qui révèle la personne, qui en dit long sur son caractère. C’est presque comme un visage, avec des expressions très personnelles. »

Je découvre les toiles de sa dernière exposition, les mains y jouent un rôle primordial. Des mains avec des postures nonchalantes, en mouvement, ou bien des mains posées avec des messages dessus.


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Nathalie m’explique « Un jour, j’ai vu un type qui avait tatoué sur les phalanges d’une main DUCK et sur les phalanges de l’autre DOVE. C’est un jeu avec les tatouages FUCK et LOVE que certaines personnes portent sur mains aux Etats Unis. J’ai trouvé l’idée géniale d’en faire cette moquerie, et j’ai eu envie de reprendre ce jeu dans mes peintures. »


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Nathalie Harvey est franco-américaine. Peut-être cette double culture n’est pas pour rien en son approche décomplexée de grands classiques de l’histoire de l’art. Ses peintures respirent une grande fraîcheur que l’on ne retrouve que rarement en France. A moitié caché par des tubes de couleur et des pinceaux, je découvre le guide du Prado. La couverture est tellement tachée par la peinture qu’elle n’est presque plus lisible. Elle est devenue une oeuvre d’art en elle-même, cette couverture.
« Je m’inspire beaucoup des oeuvres de grands maîtres, comme par exemple ma série « Ménines ». C’est un hommage au fameux tableau de Vélasquez « Les Ménines ». J’ai mis la petite infante toute seule en scène, sur des tableaux différents. Parce que j’aime l’idée que le tableau de Vélasquez a été l’un des plus connus de son époque. Le pouvoir, la puissance de cette petite fille, si nonchalante, arrogante que l’on peut y voir. Pour moi, c’est la représentation même du pouvoir de la femme, de la place importante qu’incombait aux femmes à cette époque. C’est peut-être pour ça aussi que j’aime peindre des femmes. La femme, sa place dans la société, son pouvoir … Tu vois, c’est curieux, mais j’ai encore aujourd’hui, en 2013 des gens qui me disent ‘Ah, vous êtes artiste, alors vous avez certainement un mari riche qui vous soutient!’. Ca montre bien où on en est… Il y a encore du chemin à faire, et ne pas seulement pour les femmes, mais aussi pour les femmes-artistes …  »

© Nathalie Harvey


© Nathalie Harvey©  Nathalie Harvey© Nathalie Harvey

 

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Finalement, Nathalie m’explique ce que c’est, « Obrose » – « C’est l’observatoire des rires éphémères et des communications désarticulées qui récolte les instants fragiles, sublimes, criards et désordonnés, symboliques ou réels, qui frappent séduisent ou provoquent le regard afin que l’énergie dans ce qu’il y a de brut et de beau illumine. Mais, « ajoute-t-elle en riant,  » comme ça fait long, en général quand on me demande je donne la version courte: l’observatoire des rires éphémères et des communications désarticulées. L’origine de Obrose, c’est un bureau que Yann Toma m’a invité à créer pour Ouest Lumière. C’était l’observatoire rose des rires. J’ai enlevé le rose et ai gardé « Obrose » tout de même car ce mot me colle maintenant à la peau, et la définition est parfaite, je trouve. »
Je trouve aussi. Mais je me dis que le rose, elle ne l’a finalement pas vraiment enlevé, je retrouve cette couleur partout où je regarde … et j’aime sa fraîcheur un peu fluorescente qui donne un peps pop aux peintures de Nathalie. C’est osé, c’est féminin, et en même temps c’est totalement déjanté.


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Nathalie me permet de rester un peu dans l’atelier lorsqu’elle se remet au travail. Je me sens déjà presque comme chez moi. Tout en travaillant, Nathalie me raconte son école d’art où elle s’est sentie trop bridée dans l’expression, les professeurs qui cherchent à la cadrer, à lui imposer un propos. Ses doutes, puis la fin de l’école, et ce sentiment de libération qu’elle a eu en partant.
Puis, les premiers pas d’artiste qui l’emmènent quasiment directement outre atlantique, à Seattle. Le père de Nathalie est américain, et sa grand-mère vivait en Amérique. Nathalie y allait souvent, et c’est là qu’elle a trouvé un galeriste qui expose son travail et des amateurs d’art acheteurs.
Malheureusement, sa grand-mère est décédée, et les contacts en Amérique ne donnent plus autant de satisfaction à Nathalie. Elle décide donc de se concentrer sur son pays natal pour continuer son chemin d’artiste en France. Quelle chance pour nous …
Avec l’ouverture de « Obrose » dans le 11ème arrondissement de Paris, elle a créé un lieu rien qu’à elle. Un endroit qui fera vivre le quartier avec des couleurs qui se reflètent dans les vitres.


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Nathalie Harvey organisera dans ce lieu insolite des expositions de ses oeuvres, et je ne doute pas que nous allons la voir bientôt ailleurs … après Seattle, qui sait où son chemin l’emmènera …
Une artiste qu’il fait du bien à découvrir!

Prochaine exposition:
« Le petit singe qui tire la langue au serpent, What do you do to me said the lovely Lady of the Roses »
à La Blanchisserie: 24, rue d’Aguesseau 92100 Boulogne-Billancourt vernissage le 11 décembre 2013, 18h-23h

ET

« Home sweet home » appartement éphémère avec expo & shop le 13 décembre 2013 de 18h-22h les 14 – 15 décembre de 13h-21h à Obrose: 11, rue Saint Bernard 75011 Paris

www.nathalieharvey.com